Fabrice Gillotte, l'art et la matière
Celui que la profession surnomme « l’Ours » car il est allergique aux mondanités, fut le premier, en 1991, à obtenir le titre de Meilleur Ouvrier de France chocolatier confiseur. Curieux, inventif, il avait surgi au concours avec une machine qui fit révolution dans la profession.
Depuis son Grand Atelier près de Dijon, il continue de travailler façon haute couture, de faire rêver les générations montantes et de recevoir ses pairs, curieux de comprendre ses méthodes high-tech.
Comment êtes-vous tombé dans le chocolat ?
Fabrice Gillotte : J’ai grandi dans les odeurs du Parrain Généreux, la pâtisserie de mon père. Son atelier, c’était ma cour de récréation. Je ne me voyais pourtant pas prendre sa succession – je rêvais d’être graphiste – jusqu’au jour où, à 42 ans, il a fait un AVC. Je suis venu pour six mois aider ma mère… Et je suis toujours là. À l’époque, le chocolat, on n’en mangeait qu’à Noël et à Pâques ; on voyait partout la même gamme, celle de Lenôtre. Il faut voir comment on travaillait les ganaches dans les années 1980. Ce n’était pas chouette ! Lorsque j’ai rencontré le chocolatier Robert Linxe, qui avait une sensibilité différente, j’ai compris que l’on pouvait faire autrement et j’ai commencé à explorer la fève de cacao.
Comment vous est venue l’idée de passer le concours de Meilleur Ouvrier de France ?
F. G. : Le concours de Meilleur Ouvrier de France en pâtisserie me faisait fantasmer depuis longtemps. J’admirais les chefs comme Lucien Peltier à Paris dans le 7ᵉ et Pascal Niau chez Dalloyau. Lorsque mon père, qui me voyait sans cesse expérimenter, a lu l’annonce de la création d’un titre en chocolaterie et confiserie, il m’a mis au défi. Ça tombe bien, je suis assez jusqu’au-boutiste et j’avais bien envie de prouver que je faisais partie des meilleurs. J’avais 25 ans. Je me suis lancé, mais je devais me mettre à niveau en confiserie. J’ai eu la chance de travailler avec monsieur Sender. Il avait été confiseur de cours royales et il m’appelait « le gamin ». C’est grâce à lui que j’ai pu marquer le jury avec un feuilleté-fruit.
Quel souvenir gardez-vous de ces trois journées ?
F. G. : Les insomnies ! Faire face à ces jurés d’experts pointilleux (MOF pâtissiers, professionnels de renom) qui jaugent votre travail, la présentation artistique, et qui dégustent, est d’une folle intensité. Le timing est impitoyable, c’est à la minute près.