Mauro Colagreco en 5 plats
Installé à Menton, le Mirazur de Mauro Colagreco tutoie les sommets. Le chef décortique pour nous 5 plats qui, selon lui, ont forgé la réputation de son restaurant.
Au sommet du Mirazur (4 toques), Mauro Colagreco explore la nature avec une liberté créative rare. Depuis Menton, ce chef d'origine argentine célèbre les saisons, les cycles du vivant et le dialogue intime entre terre et mer. Pour Gault&Millau, il revient sur cinq plats emblématiques, cinq créations qui racontent son parcours, ses souvenirs, ses recherches et ses audaces culinaires. Avec des mots empreints de poésie, il dévoile les secrets de ces assiettes devenues signatures, dans lesquelles "l’observation profonde des rythmes de la nature" et "une approche artisanale dans le traitement des produits" tiennent lieu de manifeste. Entre émotion, transmission et vision durable, voici le monde de Mauro Colagreco en cinq plats.
Le plat dont il est le plus fier : Poire, Huître et Bourrache
C’est en cherchant à faire aimer les huîtres à sa femme Julia, qui n'en apprécie pas le goût, que Mauro Colagreco a imagine ce plat, devenu emblématique. "Habituellement associées au citron ou à des notes acides, pour ce plat autour de l’huître, j’ai eu envie d’explorer la rondeur sucrée d’un fruit." Après plusieurs essais, l'équilibre parfait naît entre l'huître iodée et la douceur de la poire, soulignée par des fleurs de bourrache. "Les fleurs de bourrache donnent une touche de couleur vive au plat et accentuent ce côté iodé qui nous rappelle le goût de la mer en terre." Une exploration audacieuse devenue, contre toute attente, l’un de ses plats signatures.
©Jovani Demetrie
Le plat qui a marqué un tournant dans sa carrière : Betterave et Caviar
S'il est un plat qui capture l'essence même de la philosophie du Mirazur, c'est celui-ci. "Il a la force de révéler quelque chose d’essentiel de ma cuisine : la vénération de la nature et une liberté de création qui dépasse les catégories." En associant humble betterave et prestigieux caviar, Mauro Colagreco redéfinit les codes du luxe et signe une création saisissante. "Cette betterave, nous la laissons pousser pendant un an en terre, ensuite, elle est récoltée et mise à l’abri, recouverte de paille, dans notre cave." Le processus de maturation concentre ses arômes sucrés, avant une cuisson ancestrale : en croûte de sel marin, comme une viande. Un hommage au temps, "le vrai luxe", et un plaidoyer pour une gastronomie respectueuse des rythmes naturels.
©Matteo Carassale
Le souvenir d'enfance : Le Pain de Partage
Avant de cuisiner pour les plus grandes tables, Mauro Colagreco grandissait dans les effluves du pain chaud préparé par sa grand-mère. "Avant même de sortir du four, l'odeur de la cuisson nous mettait toujours l'eau à la bouche grâce à ses arômes irrésistibles." Aujourd'hui, il en a fait un rituel au Mirazur : le pain maison est la première chose servie aux convives, accompagné d’une huile d’olive au citron de Menton et gingembre, conçue avec ses amis de l'Huilerie Saint Michel. Un geste simple, universel, qui signe dès la première bouchée son hospitalité chaleureuse et authentique.
©Jovani Demetrie
Le plat plébiscité par les clients : Tarte Artichauts
Née pour le Menu Fleur, cette tarte aux artichauts puise dans un souvenir familial et dans l'inventivité du chef. "La mémoire de ces artichauts cuits à la vapeur, très simples, et de ses pétales trempés dans une vinaigrette que préparait ma mère m’est venue à l’esprit." Réinterprété par Mauro Colagreco, le plat évoque l’artichaut dans toute sa splendeur : une construction en pétales autour d’une sauce généreuse, rappelant "les viandes confites ou cuites longtemps." La surprise et la gourmandise font de cette création végétale un favori incontesté des convives.
©Matteo Carassale
La dernière création : Cédrat et Pigeon
À l’occasion de la Fête du Citron à Menton, Mauro Colagreco imagine une alliance inédite entre le pigeon et l’immense cédrat méditerranéen. "Nous avons la chance d'habiter dans un village avec un microclimat spécifique qui convient à la culture d’agrumes." Cette abondance donne naissance à un plat vibrant : un pigeon cuit dans la peau parfumée du cédrat, dans une démarche de gastronomie circulaire. "En regardant la dimension des énormes cédrats que nous recevons dans notre restaurant et leur parfum délicieux, l’idée de profiter de leur peau et de cuire une viande dedans m’est venue." Un défi technique, où chaque fruit unique impose son propre rythme de cuisson, et une ode éclatante à l’agriculture locale.