L’huile de noix du Périgord
Bio elle fut, bio elle est redevenue. L’huile de noix de la famille Castagné, maintes fois récompensée au Concours général agricole, a décroché le label AB qui couronne une conversion en bio enclenchée par deux frères, eux aussi reconvertis.
Romain et Adrien Castagné représentent la sixième génération de nuciculteur à Martel. Avant eux, Gaspard, l’arrière-grand-père, André, le grand-père – qui ont connu la production en bio –, puis Jean-Luc, leur père, qui a appliqué la culture conventionnelle comme une majorité de producteurs de sa génération. En 2018, Romain et Adrien, qui ont toujours eu un pied dans l’exploitation, décident de prendre la suite de leurs parents. Adrien, diplômé du lycée technique hôtelier de La Rochelle, a longtemps travaillé dans un bar à vin avant d’ouvrir son propre bistrot à Martel et de planter de la vigne (pinot noir, ugni blanc, syrah, chenin, roussanne, chardonnay et malbec) à 300 mètres d’altitude. Romain, titulaire d’un master 2 en droit, économie, gestion agricole et agroalimentaire, a rejoint l’enseigne Lidl en tant que responsable de réseau avant de filer chez Nestlé comme commercial pour la grande distribution.
Dans la filière nucicole, l’équation est simple : 5 kilos de noix entières donnent 2 kilos de cerneaux qui permettent de produire 1 litre d’huile. Il faut cependant un peu de patience car un noyer met sept ans avant de donner ses premiers fruits. Chez les Castagné, 80% des arbres, plantés tous les 10 mètres sur 47 hectares, ont un peu plus de 30 ans. Parmi les variétés, la Marbot, la Corne et la Franquette, autorisées dans le cahier des charges de l’appellation d’origine Noix du Périgord. Pour la conversion en bio, Romain et Adrien ont modifié la conduite du verger. Terminés, les traitements phytosanitaires, place à l’ail broyé macéré dans de l’huile végétale pulvérisée sur les arbres pour se débarrasser du carpocapse, un papillon dont la larve s’attaque aux jeunes pousses et aux fruits. Quant aux brebis, des Caussenardes des Garrigues, elles sont invitées à nettoyer les parcelles en juillet et en août.
©Vincent Baldensperger
En pleine récolte, au cœur de l’automne, tout le monde est sur le pont chez les Castagné, famille et salariés. Un peu à l’écart du moulin, un bâtiment abrite les différentes étapes qui permettent aux 100 tonnes de noix d’être lavées, séchées, calibrées puis stockées. Cet enchevêtrement de bois, de tapis, de tuyaux, d’échelles, on le doit à Jean-Luc, qui a tout mécanisé. Dans un premier temps, les noix passent dans une laveuse, avant de filer vers la pierreuse pour ôter les dernières mottes de terre et les petites pierres. Les noix sont ensuite rincées, nettoyées une nouvelle fois avant un premier triage, car chaque noix ne finit pas de la même façon. Les moins de 28 – le calibre correspond à la taille de la noix – et les 28/30 servent à produire de l’huile. Les 32 et plus seront vendues en noix séchées pour une partie en vente directe au moulin et, pour le reste, à la coopérative. Restées vingt-quatre heures dans les tours de séchage, les noix redescendent en croisant celles qui montent. Un nouveau tri est alors opéré sur un tapis. Les noix qui ne font pas le poids et celles dont la coque est cassée sont écartées par une soufflerie, mais elles ne sont pas perdues, elles vont intégrer le circuit de l’huile. Au final, sur les 100 tonnes ramassées, 70% sont vendues en noix sèches et 30% transformées en huile, soit l’équivalent de 15000 bouteilles de 25 et 50 centilitres.
Retour au moulin
Dans ce qui fut un ancien relais de chasse du XVᵉ siècle, trônent au centre la meule, la presse et la poêle devant laquelle Romain opère. Quotidiennement, il produit 200 litres d’huile, une fruitée, une équilibrée et une médium. Doucement, l’imposante meule de granit écrase les cerneaux pendant 20 à 30 minutes. La pâte obtenue est alors chauffée dans la poêle pour être cuite et torréfiée entre 85 et 95 °C. Le bois utilisé pour alimenter le feu provient des noyers et les coquilles de noix sont issues de l’énoisage. Torréfiés, les 30 kilos de pâte sont déposés dans des moules, puis insérés dans la presse. À 120 bars de pression, l’huile de noix s’écoule, d’une suavité et d’une odeur incroyables. Il faut entre 20 et 30 minutes pour que la pâte donne toute cette matière première liquide. Décantée pendant 3 semaines, l’huile est alors embouteillée et vendue au magasin qui jouxte le moulin, dans différents circuits de distribution et auprès de quelques chefs renommés. Quant aux tourteaux de pâte pressée, ils sont légèrement écrasés et servent de nourriture pour les brebis. Dans la noix, rien ne se perd.
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