Comment des arômes peuvent tromper notre cerveau et nous faire manger plus ou moins sucré ou salé ?
Pour réduire le sucre et le sel de nos mets sans impacter les saveurs en bouche, notre nez a un rôle primordial à jouer.
Une goutte de vanille liquide, et le tour est joué ? Dans son laboratoire de l’Inrae, Charlotte Sinding, chercheuse spécialiste des neurosciences, s’intéresse à la perception olfactive et gustative en travaillant notamment sur les mécanismes cérébraux responsables de la perception du goût et des odeurs, qui donnent une représentation mentale de l’aliment que l’on mange.
Le nez plus important que la bouche
La chercheuse a ainsi mis en lumière un lien entre les odeurs des aliments et les saveurs fondamentales : salé, sucré, amer, acide. « 80 % du goût est perçu par le nez, c’est l’olfactif et 20 % par la bouche, c'est le gustatif », précise-t-elle. « En revanche, tous les arômes sont perçus grâce à notre nez et uniquement notre nez. Les composés odorants remontent par la voie rétronasale au fond de notre gorge jusque dans nos fosses nasales. Les odeurs d'un poulet rôti ou d'un yaourt à la vanille sont détectées par le nez et non par la bouche. » Ainsi, lorsque nous ne percevons pas le goût, le problème vient donc du récepteur olfactif.
De la vanille au goût sucré
Si l’arôme est perçu par le nez, saveur est détectée par les papilles gustatives de la langue avec parfois un effet trompeur. Ainsi, en dégustant un mets à la vanille, notre cerveau l’associe à la saveur sucrée. « Il y a un processus intégratif qui s'effectue : on enregistre dans sa mémoire que lorsqu'on sent de la vanille, il y a activation de la zone sucrée », explique la scientifique. Or, un bâton de vanille ne contient pas de molécule de sucre. Cependant, par le passé, lorsque les gousses ont été présentées à la cour du Roi à Louis XIV, ses cuisiniers les ont utilisées en ajoutant du sucre pour couvrir l'amertume. « Cette association est culturelle. »
Ainsi, l’ajout de vanille dans des recettes sera perçu comme un supplément de sucre pour le palais des Occidentaux. Cette observation a été d’autant plus flagrante chez les participants souffrant d’obésité et ces conclusions pourraient permettre de moduler les quantités de sucre de certaines recettes. En Asie, le même effet a lieu avec le citron.
Des épices pour renforcer le salé
Pour le salé, l'association se fait avec du bouillon, de l'ail fumé, du bacon, et potentiellement des épices. Pour arriver à ces conclusions, « on a demandé aux cobayes de classer des boissons de la plus à la moins salée. Les résultats ont montré qu’avec un arôme ail fumé ou bacon, les participants percevaient les boissons comme plus salées qu’elles ne l’étaient. »
Il est donc possible que notre cerveau joue le rôle d’un illusionniste qui, naturellement, va utiliser les arômes des aliments pour nous faire ressentir des goûts. Mais ce n’est pas tout, le contexte de dégustation a aussi un rôle primordial : « Si une assiette est belle et dégustée dans un restaurant gastronomique, on aura probablement une note d'appréciation plus élevée. Le traitement cérébral est important, il façonne notre perception en fonction de notre expérience individuelle et du contexte. », conclut Charlotte Sinding. Désormais, la chercheuse tente de comprendre quelles zones du cerveau s'activent lorsque ce mécanisme se met en place.